(4) De l'incendie au départ



Le soir du 9 septembre, je décidais de me promener sur le navire car je sentais que quelque chose allait arriver.
Et alors que je me trouvais avec Pire et Albermarle sur le pont une immense explosion nous souffla contre les parois. Les réserves d'essence encore dans l'entrepôt avaient explosées et plusieurs dockers étaient en feu. Les flammes se rapprochaient de notre navire dangereusement, en particulier des bidons encore sur le quai et de la palette de bidons encore attachée à la grue au dessus de nos cales. Starkweather hurla des ordres et rejoignit ceux de nos compagnons, Gryffith, Colt et Starlight, se trouvant prêt des pompes à incendie et commencèrent à faire fonctionner celles-ci pour essayer de maintenir les flammes à distance.

Anne ouvrit la vanne et Starkweather commença à s'envoler dans les airs à cause de la pression. Pendant ce temps, j'essayai de me débrouiller avec les commandes de la grue alors qu'une deuxième explosion ravageait l'entrepôt. Starlight et Starkweather finirent par prendre le contrôle du tuyau alors que Pire me rejoignit pour essayer de contrôler la grue. Le capitaine annonça le départ du navire et la pagaille empira. Notre belge, ayant visiblement une expérience de grutier, me donna de bons conseils qui nous permis d'éloigner les bidons des flammes et de le déposer dans la cale malgré qu'une des sangles est lâchée.

Les flammes soufflèrent le toit du hangar et l'un des deux wagons roula jusqu'à s'écraser contre la coque. Le bateau s'éloignait très lentement du quai lorsque je me ruais sur la dernière passerelle pour aller chercher des blessés. Je me lançais dans les flammes pour aller chercher un docker et le ramenait avec l'aide d'un de ses collègues hors du danger.

Épuisé, je vis Pire courir devant moi, ralliant des dockers à son blanc panache à la poursuite d'une forme humanoïde avec un bonnet, un petit bidon à la main et un coupe boulon. Ils finirent par l'attraper en flagrant délit, et après quelques coups ils le ramenèrent. Anne vit le bateau de l'expédition de Lexington, le Tallahassee prendre la mer. Quelle étrange coïncidence que son navire parte avec 2 jours d'avance alors que nous étions victimes d'un sabotage.

10 Septembre :

Profitant des soins prodigués par les talentueuses infirmières de l'hôpital, je prenais un peu de repos. L'incendie avait fait 3 morts parmi les dockers et une douzaine de blessés graves, dont moi-même. Le bateau avait été légèrement abîmé mais nous avions perdu beaucoup de carburants et les moteurs de rechange des avions, et il faudra au moins une journée pour remplacer les pertes. Le saboteur fut identifié comme un certain Jerry Polke, arrêté par le vaillant Pire (tel qu'il fut décrit par Starkweather).

La sécurité avait été fortement augmentée sur le nouveau quai qui grouillait de policiers m'avaient on dit. L'inspecteur Hansen vint me voir, interrompant une discussion avec une très charmante infirmière. Il me posa des questions sur les évènements de la nuit dernière, me demandant si j'avais un suspect. Je lui fis remarquer que c'était très étrange que le bateau de Lexington parte au même moment où le notre connaissait un malencontreux accident. Il me posa des questions sur un certain Roïrich, un philanthrope relativement riche, enlevé visiblement il y a deux jours.

Sur le chemin de l'enterrement nous apprîmes que le saboteur avait été payé 100 $ par un rouquin, blanc avec un accent britannique et une attitude cultivée. Il fut condamné à mort pour la mort des trois dockers et l'incendie. La police se mis en embuscade pour le rouquin mais je n'avais aucun espoir d'une arrestation. Sur le chemin, Pire interrogea Hawkes mais ce dernier n'avait pas réussi à obtenir d'informations intéressantes sur l'expédition Lexington.

L'enterrement me rappela celui de mes parents, morts dans un mystérieux accident de voiture alors que j'avais 17 ans. Plusieurs des marins me montrèrent, tout autant qu'à Pire, des signes de reconnaissance. D'ailleurs, notre bricoleur de génie reçu une bien étrange invitation alors que nous repartions. La lettre, couverte de velours et de paillettes, contenant une invitation à l'Hôtel Netherlands, suite 410, et provenant de Nicolas Roïrich. Ce diplomate et philanthrope connu pour un amoureux des arts; sur lequel l'inspecteur m'avait questionné. L'entrefilet du journal du jour dit qu'il avait été kidnappé, tabassé et dépouillé. Il voulait nous voir pour discuter de notre expédition. Pire en parla à Starkweather, qui lui répondit que c'était un illuminé qui voulait qu'on abandonne notre équipée, peut-être l'auteur de la première lettre qu'avait reçu Pire.

Un homme dans la force de l'âge nous reçu, qui se révéla être le fils de M. Roïrich, Georges. Il nous emmena dans une sorte de salle de travail dans laquelle nous rencontrâmes M. Roïrich, dont le visage attestait ses mésaventures relatées dans le journal. Un tableau troublant, œuvre du philanthrope lui-même, montrant une citadelle noire cubique à flanc de falaise au milieu d'un blizzard. 

Le riche diplomate nous expliqua que son ami, le professeur William Dier, lui demandait d'empêcher à tout prix le départ de notre expédition vers les Montagnes Hallucinées. Et si cela échouait, il fallait lui révéler le contenu d'une boite, qui était le véritable rapport sur la précédente expédition. Trouvant sourde oreille chez les chefs de notre expédition il contacta notre concurrente. Et après avoir révélé l'existence du journal à Acacia, le suédois fut attaqué sur le chemin et ils allèrent directement vers le journal de Dier. Ils lui posèrent des questions (avec un fort accent allemand) aussi sur un autre ouvrage, Les aventures d'Arthur Gordon Pim, histoire d'Edgar Allan Poe publiée en feuilleton en 1837, racontant l'histoire d'une mutinerie ayant terminée sur une île perdue et ayant connu des aventures fantastiques et n'ayant pas de fin. Le père d'Acacia Lexington aurait trouvé un ouvrage supposé complet de ces aventures, mais Nicolas s'était fâché avec la famille en 1920. Le père se serait suicidé suite à plusieurs scandales financiers même si la thèse d'un meurtre lors d'un vol d'ouvrages rares avait été suggérée. 

Le riche peintre nous remis un portrait de son assaillant et nous demanda une faveur. Il suggéra que l'expédition Lexington avait fait alliance avec l'expédition  Barsmeir – Falcon grâce à ses contacts avec le parti national-socialiste (arrivé au pouvoir en Allemagne en janvier), et que Acacia se faisait manipuler par eux. Il voulait donc que nous essayions de veiller sur elle autant que possible. Pire accepta avec galanterie de faire tout son possible. Plus matériel, j'essayai de glisser discrètement que nous aurions besoin d'un peu de main d'œuvre pour accélérer notre départ et ne pas être trop à la traîne sur l'autre expédition, si nous devions leur porter secours.

Il nous fit remettre 50000 $, 10 fois plus que je ne l’espérai, pour recruter quelques bras supplémentaires avant de nous congédier. Sur le chemin du retour, Anne et moi-même achetâmes un exemplaire du livre d'Allan Poe alors que nous nous posions des questions sur la relation entre Moore et Dier, que l'on surnommait les inséparables. Peut-être Moore avait-il consulté le journal de son mentor avant de se décider à monter l'expédition. Le courrier de Dier venait du pacifique sud d'après le fils du mécène, et qu’ils n’avaient eu aucun autre contact avec le professeur.

J'apportais 40000 $ aux chefs de notre expédition, leur disant qu'officiellement se serait un don anonyme. Officieusement il s'agissait d'un don de Roïrich à deux conditions : que l'argent soit utilisé pour accélérer notre départ et ainsi rattraper notre retard sur l'autre expédition, et que si jamais Lexington était en danger de mort, nous leur porterions aide. Starkweather déclara qu'il n'avait pas besoin de ça pour aller aider Acacia : pour le plaisir de la faire travailler pour payer son voyage.

Je suggérais que Pire et moi pourrais avoir accès au mess des officiers de temps en temps, en plus des nombreux remerciements de nos chefs. Ce qui arriva, pour moi en tant qu'assistant de Moore et pour Pire sur la demande de Miss Starlight.

Je posais ensuite des questions sur Dier, et j'appris qu'il était resté encore à l'université seulement le temps d'écrire son rapport, et qu'au fur et à mesure de l'écriture il devenait de plus en plus une âme en peine, renfrogné et distant, délaissant ses élèves. Moore voulait accomplir cette mission pour découvrir ce qui avait transformé son inséparable ami en quelqu'un de si distant qu'il l'ignorait régulièrement. Le professeur Dier fit une dernière expédition dans le Montana avant de partir, et il avait déjà écrit depuis Hawaï. Moore n'avait pas visiblement connaissance du journal, considérant le rapport officiel comme le support utile. 


Extrait du Delaware County Times :
Interview de John Joseph Culinan.

Fils de Joseph Stephen Culinan, créateur de Texaco’s Corporate (December 31, 1860 – March 11, 1937 mort de Pneumonie) il est né le 4 avril 1895, et il est âgé de 6 ans lorsque son père fore à Spindeltop (Beaumont – Texas) le premier puits de pétrole non indiqué par affleurement ce qui procure la richesse à sa famille et permets la meilleure éducation à John et ses 5 frères et sœurs. La compagnie familiale se développe entre 1913 et 1929, démultipliant les puits, au Texas, bien entendu, mais également en acquérant et développant des gisements au Canada, vers Alberta et au Mexique.

J.J. Culinan participe de 1913 à 1916 à l’expédition Karluk pour l’arctique qui connaît une fin tragique mais dont l’expérience forge le jeune homme, qui prend les rênes de la section canadienne de la Texaco en 1918. Avide d’aventures, il rejoint l’expédition Lexington dès les premières annonces de celle-ci.

DCT : M. JJ, pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez été l’un des premiers volontaires de l’expédition de Miss Lexington ?

JJC : D’abord par goût de l’aventure, je m’ennuyais dans mon poste dans un bureau. Je suis d’ailleurs devenu artificier et opérer personnellement sur mes chantiers canadiens pour cette même raison. Deuxièmement car l’antarctique est encore entièrement inexploré. De nombreuses ressources qui seront utiles dans le futur pourraient s’y trouver. Il faut quelqu’un de réaliste, de pragmatique pour rendre utilisable dans la vie de tous les jours les données récoltées par les scientifiques de l’expédition.

DCT : Que pensez-vous des rumeurs concernant l’implication de votre expédition dans les sabotages et autres accidents connus par l’expédition concurrente de Starkweather ?

JJC : Je ne crois pas que Miss Lexington s’abaisserait à de telles pratiques.
 
11 septembre :

Le matin, Pire reçu de la part de notre mécène suédois un portrait de lui-même, nos dossiers à la police après notre affaire avec l'alcool (suggérant que l'affaire était maintenant effacée) et le rapport sur la mort du capitaine (où l’on apprenait qu'un gros baraqué ressemblant au portrait fourni par Rorïch et parlant allemand était le suspect principal), ajoutant ce dernier à mon dossier. J'avais caché aussi bien que possible l'argent que je possédais en deux ou trois emplacements de la cabine alors que nous avions une magnifique décoration du portrait de Pire avec le morceau de bois gravé d'expédition Starkweather – Moore – Pire.


Départ à midi, le moral était au beau fixe. L'influx de liquidités avait permis de rattraper du retard. Pire demanda à Starkweather si on devait s'abaisser au niveau de Lexington si l'occasion se présentait, mais l'aventurier refusa net.
 

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